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Pour être admissible à l’aide médicale à mourir, la loi prévoit qu’il faut être atteint d’une maladie grave et incurable, éprouver des souffrances persistantes et insupportables et formuler la demande de façon libre et éclairée.
Un homme de 44 ans, atteint de la COVID longue depuis plus de trois ans, a demandé l’aide médicale à mourir (AMM), car il est épuisé, tanné d’être en souffrance et il se considère comme un poids pour sa famille qui s’occupe de lui.
Pour être admissible à l’AMM, la loi prévoit qu’il faut être atteint d’une maladie grave et incurable, éprouver des souffrances persistantes et insupportables et formuler la demande de façon libre et éclairée. Au Canada, depuis 2021, de nouvelles mesures permettent aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible d’être admissibles.
Emmanuelle Marceau, professeure associée à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, souligne que l’aspect de la qualité de vie est subjectif à chacun. Qu’est-ce qui fait qu’une vie qui vaut la peine d’être vécue ? Est-ce qu’une vie avec beaucoup de souffrance physique et peu d’espoir de changement ne vaut plus la peine ?
Avec l’ouverture de l’aide médicale à mourir, il existe une crainte que des gens sentent qu’ils n’ont plus de sens à leur vie, soulève Mme Marceau, également chercheuse associée au Centre de recherche en éthique (CRÉ).
Ils n’ont plus de contribution pour leur proche, pour leur famille, ils voient au contraire qu’ils les empêchent. Je pense qu’on doit questionner quelqu’un qui souhaiterait un soin comme l’aide médicale à mourir pour ces raisons. À ce moment-là, on peut se demander comme société : « est-ce qu’on n’est pas en train d’abandonner les plus vulnérables ?
Emmanuelle Marceau, professeure associée à l’École de santé publique de l’Université de Montréal
La vie de Sébastien Verret a basculé lorsqu’il a contracté la COVID en décembre 2020, quelques jours à peine après avoir commencé un nouveau travail en CHSLD. Œuvrant auparavant dans la vente, il s’était inscrit au programme « Je contribue », mis sur pied par le gouvernement provincial au début de la crise sanitaire.
Au début de la maladie, M. Verret était aux prises avec de la fatigue chronique et les lumières stroboscopiques lui faisaient faire des crises avec tremblement. Un soir, il est tombé par terre en crise et sa montre intelligente a appelé les secours. « Ça été ma première fois d’une longue série de voyagement en ambulance », raconte-t-il.
Au fil du temps, il a eu plus de crises, de fatigues et de nausées. « Les symptômes se sont accumulés et au lieu de s’améliorer, ça s’est détérioré », relate-t-il.
L’aide à domicile, la solution
M. Verret est père de deux enfants, l’aîné étant aujourd’hui âgé de 20 ans et son plus jeune de 15 ans. Avec sa maladie, les tâches ménagères étaient pratiquement insurmontables et il avait du mal à s’occuper de ses enfants.
« Je devais choisir chaque jour si je faisais à manger, si je me lavais ou si je faisais un peu de lavage ou de ménage. Je ne pouvais avoir une routine à la maison qui me permettait de faire un peu de tout », explique-t-il.
Bien qu’il recevait une indemnité de la CNESST, les factures s’accumulaient. M. Verret commandait régulièrement du restaurant puisqu’il manquait d’énergie pour faire à manger. Même faire une épicerie en ligne lui demande une trop grande capacité mentale. À l’occasion, il engageait une femme de ménage pour nettoyer son domicile où la saleté s’accumulait.
En février 2023, il n’était plus capable de payer son logement. Il a déménagé chez ses parents qui ont pris soin de lui. « J’étais en rétablissement. Je faisais de l’ergothérapie et j’avais espoir – pas de guérir, parce que je ne pense pas que je vais guérir un jour – mais j’avais espoir d’être capable de vivre avec la maladie, de composer avec », témoigne-t-il.
Il existe un programme de la RAMQ pour avoir de l’aide domestique en cas de maladie. Cependant, M. Verret a affirmé que sa déclaration de revenus lorsqu’il était vendeur était trop élevée pour être admissible.
Son séjour de quelques mois chez ses parents lui a permis de faire des économies. Sa situation financière et physique allait assez mieux pour que M. Verret décide de louer un appartement bigénérationnel. Son aîné habitait un logement et M. Verret habitait l’autre unité avec son plus jeune fils, une semaine sur deux.
« Et là, a commencé la descente aux enfers », dit-il. Thrombose, septicémie, arrêt cardiaque, inflammation, diarrhée sévère, mal de dos et un diagnostic de colite collagénique.
Les choses n’ont été qu’en s’empirant. En janvier 2024, M. Verret avait une incontinence qui faisait en sorte qu’il devait souvent laver son lit. Les tâches ménagères ont recommencé à être un fardeau. « Changer le lit, pour moi, c’est un effort comme courir 10 km », illustre-t-il.
Son plus jeune s’est mis à lui faire les repas la semaine qu’il était là. « Avec le recul, c’est anormal que mon enfant, qui avait 14 ans, me fasse les repas. C’était anormal que ça soit lui mon proche aidant », a-t-il déclaré.
« J’étais tellement faible que pour une deuxième fois en un an, j’ai abandonné le logement. J’ai demandé à la mère des enfants de les reprendre. Ç’a été très dur pour moi », raconte-t-il avec émotion.
Dernière bataille
En juin 2024, il se retrouve de nouveau à l’urgence, cette fois-ci accompagné de ses parents qui ont mentionné au personnel qu’ils souhaitent que leur fils soit placé dans une ressource. « Autant que c’est anormal que ce soit mon fils qui prenne soin de moi, autant que c’est anormal qu’à 44 ans, ça soit ma mère qui vienne changer mon lit plein de merde », s’indigne-t-il, sans tabou.
Pour l’instant, il est toujours chez ses parents.
« J’aimerais ça que le gouvernement se réveille et nous donne de l’aide pour les tâches domestiques […] qu’il assouplisse les règles pour le programme d’aide domestique. C’est ça la solution. C’est le repos et l’aide autour. Les six mois que j’ai passés chez mes parents, j’ai remonté et j’avais de l’espoir. J’étais quasiment prêt à retourner travailler avec un travail qui correspondait à ma nouvelle réalité », plaide M. Verret.
Mme Marceau souligne l’injustice sociale reliée à la maladie. Au Québec, le régime de soins de santé est somme toute plutôt généreux, mais en ce qui a trait aux soins à domicile et à l’entretien ménager, il y a des lacunes, indique-t-elle.
« Si comme société on était capable de favoriser une plus grande autonomie, un plus grand filet social, probablement qu’il n’en serait pas là. Ça doit nous interpeller comme situation », soutient-elle.
Il y a une semaine, quand on lui a répété qu’on ne pouvait rien faire pour lui, Sébastien Verret a demandé l’aide médicale à mourir.
Après avoir été évalué à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, M. Verret s’attend à avoir un rendez-vous pour un suivi sur sa demande d’aide médicale à mourir d’ici la fin septembre. « Mais je vais pousser pour avoir un rendez-vous avant parce que je ne continuerai pas à vivre cette vie-là. C’est mon dernier cri et ma dernière bataille », dit-il.
« Selon ma lecture, [ma demande] serait admissible, mais je sais très bien que ça sera difficile de la faire passer », reconnaît-il.
Il n’a pas espoir qu’un médicament miracle améliore son sort. Selon lui, même s’il y avait un remède à la COVID longue, les dommages faits à son corps sont irréparables.
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